Aujourd’hui, je vous emmène loin, je vous emmène au Gilgit Baltistan. A 8000 km de Paris, dans un pays auquel on ne pense pas tout de suite pour ses vacances : le Pakistan. Je vous avais déjà parlé de mes craintes pour ma sécurité là-bas mais il est grand temps de rentrer dans le vif du voyage.
Après une arrivée à Islamabad (la capitale du pays) par un vol charter de la Pakistan International Airlines et une nuit dans un palace, me voilà à bord d’un petit coucou (moderne le coucou) direction le joyau du Pakistan. C’est le surnom qu’on donne à la plus belle région de ce pays du moyen-orient : le Gilgit-Baltistan.
Une région montagnarde aux 1001 royaumes, au carrefour de l’Afghanistan, du Tadjikistan, de la Chine et de l’Inde, qui a vu passé des générations de caravaniers sur sa route de la soie, qui a vu défilé les armées d’Alexandre le Grand (A découvrir : la cité grecque perdue au coeur du Pakistan que j’ai pu visiter ) pour finalement accueillir Voyage Insolite. Destinée.
Bienvenue chez les Hunzas, plus précisément les Hunzakuts peuple longtemps indépendant et isolé dans sa vallée, intégré au Pakistan à sa constitution en 1947 et qui depuis le milieu du XXème siècle et un certain docteur Robert McCarrisson, fait rêver l’occident pour sa vie saine et ses centenaires.
Bienvenue dans la vallée des immortels.
Ont-ils tous 110 ans alors qu’ils n’en paraissent à peine 40 ? N’ont-ils jamais de rhume ? Grimpent-ils sur des monts à plus de 6000 m en moonwalk en t-shirt ?
Je suis allé enquêter sur ces légendes sur place. Et j’ai profité du voyage pour en prendre plein les yeux.
La vallée de la Hunza, mon coup de coeur
C’était la première partie de mes 8 jours au Pakistan et autant vous le dire tout de suite, c’est le coup de coeur de mon voyage là-bas.
En atterrissant à Gilgit, la chef lieu de la région, nous avons pris un mini-bus direction le nord du Gilgit-Baltistan. Mais déjà les routes sont magnifiques.
Le paysage est totalement dingue. La rivière de l’Hunza offre des infinités de bleus du gris au bleu clair, alors que la vallée semble taillée à coup de serpe. Des serpes de géants qui auraient façonné cette nature brute. On se sent tout petit et fragile.
On aimerait tout prendre en photo, tout ramener à la maison. D’ailleurs certains succombent à cette folie… Mes yeux n’en perdent pas une miette mais je n’oublie pas d’écouter, de sentir, ressentir. En tout cas j’essaye.
Première indice sur le régime des immortels : de telles routes donnent envie de marcher ! Quand ici on te dit qu’il faudrait mieux prendre l’escalier que l’ascenseur, là-bas on fera 30 bornes.
Sa majesté le Rakaposhi
Nous poussons la route jusque dans la vallée de Nagar. Si le Hunza et le Nagar ne sont plus des royaumes indépendants comme jusqu’en 1869, il ont toujours leur roi devant lequel on doit s’incliner : le mont Rakaposhi.
Au niveau de Ghulmat, impossible de ne pas s’arrêter devant sa majesté. D’ailleurs plutôt qu’un roi, c’est à une reine à qui nous avons à faire : “la mère des brouillards”, son deuxième nom, Dumani. C’est le 27ème plus haut du sommet du monde, le 12ème du Pakistan.
Car il ne faut pas l’oublier : le massif du Karakoram fait partie de la chaîne de l’Himalaya. Nous sommes en pleine région montagnarde, entourés de monts planant à plus de 8000 mètres pour certains, avec une vallée qui oscille entre 1800 et 2400 m.
Si sa hauteur de 7 788 m ne le place que 27ème, le Rakaposhi s’est vite consolé avec sa remarquable beauté.
Petite terrasse, galette locale, thé, on resterait bien une petite heure face à sa majesté. Mais une autre majesté nous attend, un lac.
Deuxième indice sur le régime des immortels : on grimpe chez les Hunzakuts. Beaucoup sont guides pour des treks ou guide de haute-montagne. La région était un spot il n’y a encore pas si longtemps pour le tourisme de montagne. Les amoureux de l’alpinisme du monde entier se donnaient rendez-vous là-bas, notamment à l’assaut du K2 tout près. Grimper, le grand air, ça conserve !
Le Lac Attabad
Les lacs au Gilgit-Baltistan, c’est quelque chose. L’eau des glaciers donnent des couleurs parfois surréalistes aux eaux. En mettant les photos sur Instagram, on nous a demandé : mais quel filtre avez-vous utilisé ? Aucun en fait.
Le lac Attabad fait parti des incontournables du Pakistan. Créé suite à un dramatique glissement de terrain il y a 6 ans (20 morts, 6000 personnes déplacés), le site est d’un calme exceptionnel et d’un bleu envoûtant. Enfin d’un bleu, non. Des milliers de bleus.
Déjà subjugué par le paysage, le soleil s’est amusé en plus à nous changer le paysage en quelques coups de rayons de soleil : les couleurs de l’eau mais aussi des montagnes alentours changent du tout au tout. Quand la nature joue avec Photoshop en live sous tes yeux.
Troisième indice sur le régime des immortels : avec de l’eau qui vient directement des glaciers, on peut se douter que l’eau est pure. Ici pas d’études Facebook pour te dire que la bière te permettrait d’être en meilleure santé.
La cathédrale de Passu
Après avoir découvert les monarques de la région, il était logique de conclure notre escapade vers le nord par une cathédrale.
Mais dans la cathédrale de Passu, les sermons ne sont pas scandés par un diacre mais plutôt chuchotés par le vent le long de ces gigantesques clochers de roche (d’où le nom de ce lieu) que l’on admire de loin.
Sans cloche (…), ni autres bruits que ceux de la nature. L’eau, l’air. Et 10 petits français avec leurs appareils photos.
Le moment aussi de rencontrer le glacier de Passu qui n’en finit pas de rétrécir à vue d’oeil nous dit-on.
Pause au petit village de Gulmit
Nous avons la chance de nous arrêter 2 heures, un peu à l’improviste dans un tout petit village à quelques kilomètres du glacier de Passu, le village de Gulmit. Le village est de pierre.
On dérange en pleine partie de foot.
Ca donne envie de taper le ballon mais on n’ose pas trop. Et puis on n’a pas de chasuble.
Enfin pas de gilet jaune comme on dit maintenant.
On déambule dans les petits chemins à la recherche de visages, de rencontres, d’immortels.
On croise des sourires, des regards, des mines réjouies, curieuses, ouvertes. Une association de femmes se réunit à la hâte pour nous présenter leurs tapis. L’idée de l’association ? Permettre aux femmes une relative indépendance financière en confectionnant des tapis.
On s’amuse à se perdre dans ce petit dédale de pierre.
Quatrième indice sur le régime des immortels : une étude américaine de 2016 aurait prouvé que sourire augmenterait l’espérance de vie. Ici on le sait depuis des lustres.
Karimabad (ex Baltit), capitale des immortels
Je termine mon périple en terres immortelles par la capitale, Karimabad. Nommée Baltit jusqu’au milieu du XIXème avant que cette capitale du royaume du Mir (souverain) ne devienne que capitale régionale dans le tout nouveau pays du Pakistan.
Construite en terrasse, elle est dominée par le fort Baltit.
Baltit était une halte importante pour les caravanes qui voyageaient entre l’Hindou Kouch et la vallée du Cachemire.
Le fort si il domine toute la vallée parait tout petit avec les monts qui l’entourent qui sont tous à plus de 6 000 m.
Le Bojahagur Duanasir, l’Ultar Sar (alias Bojahagur Duanasir II), le pic Ghenta, le pic Hunza, le pic Passu Sar, le Diran et le Bubuli Motin.
Ce sont eux qui veillent vraiment sur la vallée de la Hunza. Comme des patriarches aux barbes blanches qui se penchent sur un berceau.
On est surpris par la finesses des décorations du fort.
Fondé au Ier siècle, c’est au XVIème que ce style du Tibet bouddhiste redessine les contours du fort.
Le prince local ayant épousé une princesse du Baltistan, pour honorer sa dot, elle fit intervenir des maîtres artisans baltis pour la rénovation du bâtiment.
Et je ne sais pas si la princesse était belle, mais le prince a fait un excellent choix question déco.
Abandonné en 1945, ce fort a failli sombré dans l’oubli et la ruine. La Grande-Bretagne a initié un programme de rénovation dans les années 90 soutenu par l’Aga Khan Trust for Culture.
Au Gilgit-Baltistan on est ismaélien. Sans vous faire un cours de théologie dont je suis bien incapable, l’Ismaélisme est une branche chiite de l’Islam très ouverte et très tolérante.
Moins attachée aux rituels, elle se concentre sur la foi elle-même et son ésotérisme.
Les ismaéliens ont un guide spirituel, qui vit en France (dans l’Oise) l’Aga Khan. A travers diverses fondations, l’Aga Khan participe à la préservation de la culture dans la vallée de la Hunza. Les ismaéliens représentent la branche la plus “ouverte” de l’Islam, une branche moins contraignante aussi pour les femmes.
Le conservateur de ce fort devenu musée, classé par l’UNESCO partage avec nous dans un anglais parfait sa passion pour l’histoire de ses terres, de ce fort.
Malgré son amour qu’on devine passionné pour sa culture, il nous explique avec un grand calme, avec application et une voix douce tous les détails de cette dynastie aujourd’hui disparue.
On sent son désir de faire découvrir au monde entier l’histoire de ses ancêtres.
Et nous sommes là pour dire au monde entier, à commencer par vous chers lecteurs, que c’est une visite et une rencontre à ne louper sous aucun prétexte.
Nous découvrons chaque pièce de ce qui était en fait le palais du Mir et de la famille royale. Chambre, cuisine, terrasse. Moustache.
Même la salle de réception où avec Eimeric, nous nous offrons un thé chai, moi en me prenant pour le Mir, lui en se prenant pour un journaliste (l’un de nous deux est dans un délire historico-mégalomaniaque, je vous laisse deviner lequel).
Puis on pose les tasses et on admire cette magnifique vallée de la Hunza. On comprends pourquoi les hommes seraient sensés vivre plus vieux qu’ailleurs : ils ne veulent pas quitter des yeux ce paysage.
Cinquième indice sur le régime des immortels : le thé chai serait une petite merveille de bienfaits pour le corps. Antioxydant, propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires, renforcement du système immunitaire, aide au système digestif…
Le soleil se couche, la nuit envahit la vallée, le fort et les montagnes veillent sur notre sommeil.
Dans mon petit lit frais avec 7 couvertures (et mon Eimeric à côté), j’ai de sérieux doutes sur les thèses du docteur McCarrisson. Ouais je bosse même quand je suis au lit.
Il ne me semble pas avoir croisé d’immortels et les maladies sont (malheureusement) présentes aussi ici.
Mais finalement est-ce que les Hunzakuts n’appliquent-t-ils pas juste un régime sain : des fruits (les meilleurs abricots du monde), du sport, peu de viande, une eau pure, peu de pollution, le sourire, un peu de thé chai, pas de Jul à la radio… n’est-ce pas là leur secret ?
Alors oui dans le doute, j’ai quand même essayé de gagner 2 à 3 minutes d’espérance de vie : j’ai bien croqué quelques abricots, bu de l’eau de leur glacier, fait du trekking avec les copains et pas bu d’alcool (pas le choix), je me suis bien rempli les poumons de cet air pur. Suivez moi sur twitter, c’est surement le seul réseau social que je mettrais à jour à la fin.
Non l’immortalité se trouve surement ailleurs que dans les corps et les globules rouges.
Surement quelque part entre cette culture ancestrale, ces visages souriant, cette passion de la montagne, ces paysages sublimes, cette nature abondante et en même temps hostile…
Mais soyez sur d’une chose : les Hunzakuts et leur région seront immortels dans mes souvenirs.
(et là normalement je me retourne, la caméra me suit pour filmer mon début d’ascension du mont Rapakoshi dans le soleil couchant sur une musique traditionnelle pakistanaise. Et mon Eimeric pas loin).
Si toi aussi, tu veux aller découvrir le Gilgit-Baltistan
Sache que c’est plutôt une bonne idée.
Comme je vous le disais ici la sécurité est de nouveau totalement assurée et le Gilgit-Baltistan n’attend qu’une chose : les touristes. Et ils se préparent clairement à vous accueillir : nous avons eu un joli dîner avec les acteurs du tourisme de la région pour en discuter.
Si mes claquements de dents n’avaient pas couvert nos discussions (le dîner était en plein air à 2400m), j’aurais pu vous en dire beaucoup plus. Mais j’ai vu dans les yeux de ces guides et leurs fils, chez ces réceptifs, ces hôteliers une vraie envie de faire découvrir leur magnifique région. Et nous avons passé une belle soirée à partager, discuter et rire. Et se les peler (mais ensemble).
Démarches administratives
Il vous faudra un visa pour aller au Pakistan et un visa spécial pour la région du Gilgit-Baltistan. Tout se fait à l’ambassade du Pakistan à Paris. Toutes les infos ici.
Pour y aller
De nombreuses compagnies aériennes du moyen orient proposent des Paris-Islamabad (la capitale) avec une escale (Qatar Airways, Turkish Airlines, Gulf Air etc). De Islamabad il faudra prendre un vol intérieur de 2h environ pour atteindre Gilgit avec PIA (compagnie nationale).
Pour y dormir
Dans toute la région vous pouvez compter sur la chaîne d’hôtel Serena. Karimabad mais aussi d’autres points importants de la région ont un Serena. Propre et de qualité, c’est là qu’il faut faire dodo. Leur site internet ici
A Karimabad, vous réveillerez au milieu de ça.
Pour s’y balader
Vous trouverez en arrivent au petit aéroport de Gilgit un petit bureau de tourisme qui pourra vous indiquer des guides équipés de voiture, voir même de 4×4. Et qui n’attends que vous visiblement.
Au Serena Hotel aussi on pourra vous proposer trecks et guides pour vous guider dans la région. On vous conseille la location d’un guide qui sont plutôt bon marché et qui vous fera découvrir avec passion et amitié son histoire, sa région.
Nos deux guides qui nous ont beaucoup aidé (et supporté).
Après 48h dans ce petit paradis, nos routes nous emmènent vers l’est, toujours dans le Gilglit-Baltistan mais dans d’autres paysages et d’autres cultures.
A suivre…