Lorsque que j’ouvre mon livre de souvenirs au Japon, il m’en reste un, un peu douloureux.
Dans ma liste des choses à faire au pays du soleil levant, il y avait une ligne que je n’étais pas sûr de réaliser : l’ascension du Mont Fuji.
3 776 m de symbolique japonaise à grimper pour goûter une sensation unique, un parcours quasi initiatique que de nombreux japonais font au moins une fois dans leur vie.
6 mois que je vivais à Tokyo et j’avais attendu l’avant-dernier jour de mon séjour pour me lancer dans cette petite folie. J’aurais peut-être dû m’abstenir…
Mont Fuji en mode touriste
Bien entendu hors de question de partir seul à l’aventure. Je m’étais fait quelques copains japonais pendant mon séjour et certains étaient très enthousiastes à l’idée de m’accompagner.
Surtout qu’ils ne l’avaient jamais fait et que tout japonais a dans le coin de sa tête : « Un jour j’irais tout en haut du Mont Fuji. » Moi je l’avais au bout de mes chaussures pendant ce voyage au Japon.
« Un jour j’irais tout en haut du Mont Fuji. »
Je me renseigne donc auprès de mon ami japonais le plus proche : quel équipement ? tu crois qu’on peut le faire ?
Mon pote en question parlait un anglais difficile donc pas toujours évident de bien se comprendre.
Notre langage de base c’était plutôt le foot le week-end où nous nous étions rencontrés. Et puis nous étions jeunes et beaux (enfin surtout lui). Et insouciants. Parfait pour des préparatifs de merde.
Début juillet, il fait une chaleur insoutenable au Japon. A peine tu sors, ton t-shirt se transforme en éponge. Fort de ce constat, validé par cet ami jap’, je m’arrêtais sur une tenue qui me paraissait coller : un short, un coupe-vent, mes baskets de tennis. Oui, oui, le touriste parfait.
Mon équipement pour grimper un volcan de 3776 m ? Un short et des baskets de tennis.
Mais pour corser le tout, je convainc mes amis de voir le lever du soleil au sommet du Mont Fuji. Ca me paraissait presque obligatoire au pays du soleil levant. Nous allions donc faire l’ascension de nuit. Joueur.
Nous partîmes 500
J’avais réussi à former un petit groupe de 5 personnes. J’étais le seul gaijin (non japonais dans la langue nippone). Nous étions tous très excités par cette ascension. Début de notre ascension : la base no 5, Kawaguchiko ,une base accessible par voiture et bus. C’est de là que partent tous ceux qui montent le Fuji. Des hordes de retraités japonais notamment. Si ils peuvent le faire, je peux le faire en short et tong. Mais bien sûr.
Les deux premières heures se font en mode randonnée sympa sur le chemin Yoshida (rien à voir avec le Yoshi de Mario hein). Nous arrivons à la station n°7. Très vite je m’aperçois que je suis le seul débile à porter un short. Oui le pote qui avait mis un short comme moi avait prévu un pantalon dans son sac. La nuit est tombée. La chaleur étouffante de Tokyo me parait bien loin sur les pentes de ce volcan. Malgré tout on grimpe.
Très vite, 2 co-galériens décident d’abandonner. Et je les comprends. Le vent commençait à souffler fort. Le sentier de forêt s’est transformé en chemin abrupte : nous évoluons péniblement sur de la roche avec une chaîne fixée dans la pierre pour seul aide. Chaque pas est compliqué et nécessite de la concentration. Il faut avancer tout en évitant de se fracturer la cheville. Nous sommes parfois obligé d’avancer à 4 pattes. L’ascension devient calvaire.
Car en plus de la difficulté de la montée, je commence à être transit de froids. Et oui à 2700m d’altitude, même en pleine été, on ne se balade pas en short. Et je commence à faire n’importe quoi : je décide de ne m’arrêter à aucune des escales marquées par des refuges restaurants. Vous pouvez y dormir (50€ la nuit) ou vous prendre un bol de Ramen (à deux ou trois fois le prix par rapport aux restos de Tokyo). Certes le budget est un frein mais soit on fait l’ascension du Fuji soit on ne la fait pas. Moi j’avais décidé de la faire et mal. Bien vu.
Le sommet parait si loin
De 2 heures d’ascension, nous passons à 4, puis 6 heures. Le sommet parait encore loin, si loin. Il est 4h30 du matin et le découragement n’est plus loin. Mais pas vraiment le choix : il est encore plus simple d’accéder au sommet pour ensuite redescendre par la pente sur l’autre versant fait de cendres. J’ai l’impression de porter un string : non seulement les gens s’étonnent de ma tenue mais en plus le froid s’engouffre partout. On ne parle plus, on se concentre sur cette maudite montée.
J’ai l’impression de porter un string.
Nous ne serons pas au sommet pour le lever du soleil. Après 7h d’ascension, il nous reste 1h et le soleil n’en a vraiment rien à foutre. Mais le spectacle est à couper le souffle. Je prends quelques photos avec mon numérique de l’époque.
La surprise du volcan
Le soleil me redonne quelques milligrammes d’énergie positive. Nous arrivons au saint des saints. Un portique Shinto qui a plus l’air d’une bannière d’arrivée à un marathon à ce moment là nous indique notre victoire au goût amère.
Une surprise de plus dans cette aventure : le vent a une puissance de dingue. Et là j’étais plutôt content de vivre une expérience pareil : le vent m’empêcher d’avancer ! Un truc de fou. J’ai dû me mettre à 4 pattes pour m’approcher du cratère sacré. Très spécial de se sentir tout petit face à dame nature. C’est bien, ça remet quelques neurones à leur place.
Nous nous éternisons donc pas pour entamer la descente qui a plus des allures de surfs en basket : ce versant est entièrement fait des cendres millénaires du volcan. On glisse tout le temps ! Mais du coup on va vite. J’ai faim, j’ai froid, je suis exténué. Vite que tout s’arrête. Je mets 4h pour descendre.
Arrivé au camp de base, je me rue sur un resto pour me prendre une énorme soupe de nouilles. La meilleure de ma vie à priori. Mes genoux ont apparemment apprécié la descente : à force d’essayer de maîtriser mon surf de cendre, ils ont doublé de volume et sont tout rouges. C’est cadeau.
Pas grave, tout cela est fini. Je peux vous dire que vous ne me croiserez plus sur ce fameux Mont Fuji. A chaque estampe japonaise, carte postale ou évocation, je verse ma petite larme.
D’ailleurs la sagesse populaire japonaise ne le sait que trop bien :
Celui qui gravit le mont Fuji une fois est un sage, celui qui le fait deux fois est un fou.
Si vous décidez de vous embarquer dans cette aventure faites-le bien par pitié :
– un équipement de moyenne montagne : pantalon, chaussures de marche, lampe frontale et même des gants
– prévoyez un budget pour soit dormir 3h au milieu de l’ascension soit pour vous offrir un bon bol de Ramen chaud qui vous donnera la patate
– imposez-vous des pauses régulières (et du coup comptez les dans votre timing de montée) : vous vous habituerez plus facilement à l’air qui manque un peu d’oxygène et votre corps vous le rendra
– la meilleur période : le printemps (comme tout pour le Japon j’ai l’impression)
– les conseils de l’office du tourisme du Japon ici