Même si vous n’êtes pas un passionné d’histoire, le nom d’Aliénor d’Aquitaine ne vous est certainement pas étranger. Pour résumer, c’est probablement la nana la plus badass que la France et l’Angleterre réunies aient connu. Autant vous dire qu’on est sur un sacré personnage. Et qu’on avait très envie de voyager sur ses traces. Car Aliénor a beaucoup voyagé.
Cette bordelaise est née vers 1122 en plein Moyen-Age. Reine de deux royaumes, elle a été l’une des personnes les plus influentes de son siècle en Europe. Une femme extraordinaire, au destin hors norme, qui marqua particulièrement les territoires où elle passa : de Bordeaux à Londres, en passant par Paris, Istanbul ou encore Poitiers, il reste de nombreux vestiges de son époque et de son passage.
[cmtoc_table_of_contents]Mais c’est qui Aliénor d’Aquitaine ?
Aliénor est la seule héritière du duc d’Aquitaine et comte de Poitiers. A 14 ans, elle est à la tête d’un des plus beaux territoires d’Europe. Aliénor en plus d’être une femme d’esprit et de lettres (c’est à sa cour que les troubadours se pressent et qu’on voit naître l’amour courtois) est d’une beauté qui marque ses contemporains. Mais surtout, c’est une femme d’ambition.
Elle est donc l’un des plus beaux partis de l’époque, et dès sa prise de fonction, elle épouse le roi de France, le jeune Louis VII en 1137. Si le couple donne un héritier, il devrait régner sur les royaume de France et d’Aquitaine réunis. Jackpot pour le roi de France.
Mais Aliénor ne donne que deux filles au roi de France. De plus, les deux personnalités sont très différentes voir opposées : Aliénor, la fille du sud, esprit libre et enjoué, Louis VII, plus besogneux et plus terne, elle l’appellera le moine. Au bout de maintes luttes d’influences sur le roi entre la Reine et les conseillers, à force d’opposition de caractère, la rupture semble se consommer lors de la deuxième croisade en terre Sainte.
Aliénor est notamment fascinée par les fastes et les mystères non pas de l’ouest mais de l’orient alors que Louis VII en semble dégoûté. De plus la croisade est un échec et pour couronner le tout on prête une infidélité, bien opportune, à Aliénor lors de cette croisade avec son oncle, Raymond de Poitiers.
L’annulation du mariage est annoncée le 21 mars 1152.
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’Aliénor trouve un nouveau mari. Le 18 mai 1152 (2 mois plus tard), elle épouse Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, qui va devenir 2 ans plus tard, roi d’Angleterre et Henri II.
Aliénor a réussi le tour de force d’être reine de deux des plus importants royaumes. 50 ans de vie trépidante l’attendent que je ne pourrais vous résumer ici. Je vous conseille l’excellente biographie de Régine Pernoud sur laquelle je me suis beaucoup appuyé pour écrire cet article.
Elle restera reine d’Angleterre jusqu’à son retrait à l’abbaye de Fontevraud en 1200, où elle y est inhumée le 31 mars 1204. A ses côtés vous retrouverez Henri II et l’un de ses fils, le célèbre roi d’Angleterre, Richard Coeur de Lion.
10 visites à faire sur les pas Aliénor d’Aquitaine en France
Pour ce premier article, nous avons décidé de nous focaliser sur la France. Enfin à l’époque, l’Aquitaine, le royaume de France, l’Anjou et la Normandie. J’ai essayé de classer les lieux en fonction de leur importance pour la reine. Voici la carte de notre voyage d’histoire.
L’abbaye royale de Fontevraud (Maine-et-Loire)
Aliénor a un lien très particulier avec cette abbaye fondée tout juste 21 ans avant sa naissance. Toute sa vie, elle fera des donations régulières à ce qui semble être un lieu très cher à ses yeux : à chaque étape importante de sa vie (mariage, grandes victoires etc), elle soutiendra financièrement le lieu.
Peut-être est-ce dû à la modernité du concept de l’abbaye et son fondateur, Robert d’Arbrissel. L’ordre qu’il crée a pour particularité d’être « double » (hommes et femmes) et d’inclure des personnes de toutes origines sociales. L’Abbaye de Fontevraud est alors envisagée comme une « cité idéale », un lieu d’exaltation de la foi dédié à la prière et au travail, dans l’abstinence, le silence et la pauvreté.
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Et ce n’est pas un hasard si Aliénor prend sa retraite là-bas en 1200, et si avec son mari et son fils, elle y est inhumée.
– ne loupez pas les gisants polychromes d’Aliénor d’Aquitaine et Richard Coeur de Lion dans l’église abbatiale
– à 12 km de Saumur
– comptez 2h30 pour la visite
– ouvert toute l’année
– entrée : 11€
– site : www.fontevraud.fr
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Poitiers
C’est la cité préférée des ducs d’Aquitaine, Aliénor y revient très régulièrement, qu’elle soit reine de France ou d’Angleterre. C’est par exemple à Poitiers où son fils Richard Coeur de Lion fut en grande partie élevée.
En 1166, 14 ans après son mariage avec Henri II, elle quitte l’Angleterre. Trompée par son mari de roi avec la belle Rosemonde, elle ne supporte pas cette trahison.
Elle vient vivre à Poitiers et redevient à plein temps la duchesse d’Aquitaine. C’est à cette époque que Poitiers connut peut-être ses années les plus fastes avec la cour d’Aliénor.
Elle rayonne sur son royaume et sur sa cour : conseillers, seigneurs vassaux et surtout troubadour s’y pressent. L’amour courtois y est à son apogée et de nombreux poèmes, en langue d’oc y sont écrits pour elle. Elle y vit parmi ses plus belles années malgré la séparation, et bientôt l’affrontement avec son mari.
Le Palais des Comtes de Poitou et Ducs d’Aquitaine
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C’est l’un des plus remarquables ensembles architecturaux du Moyen-Age en France. La Tour Maubergeon, vestige du premier édifice, et la grande salle, aussi appelée salle des Pas Perdus, est construite au temps d’Aliénor. La grande salle conserve le style particulier du gothique Plantagenêt ou Angevin. Dans ce lieu aux dimensions importantes (50m de long), vivait la cour d’Aliénor. C’est ici qu’elle assistait aux récits des troubadours dont elle devint la muse.
Le monument le plus emblématique laissé par Aliénor est sans doute la vaste salle des pas perdus du palais (50 mètres sur 17), qu’elle a fait aménager à la fin de sa vie, de 1192 à 1204.
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La cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul
Il s’est passé beaucoup de choses ici pour Aliénor.
En premier lieu, c’est ici le 8 août 1137 qu’Aliénor et son premier mari, Louis VII se font couronner duc d’Aquitaine. Nous sommes alors dans la cathédrale construite en 840 sur l’emplacement de la vieille église Saint Hilaire.
Mais en au cours du XIIème siècle on fait table rase pour la reconstruire.
Elle fut (re)construite à la demande d’Aliénor : de style gothique angevin dit Plantagenêt, elle fut inaugurée en 1162. Elle présente dans le chœur un vitrail exceptionnel, réalisé de son vivant, avec Aliénor, Henri de Plantagenêt et quatre de ses fils. C’est aussi ici que son mariage avec Henri Plantagenêt est célébré.
Dans le coeur de cette cathédrale, au pied du vitrail de crucifixion offert par Aliénor et Henri II, vous trouverez la seule représentation de la reine faite de son vivant.
Les remparts de Poitiers
Aliénor a fait construire les remparts qui entouraient Poitiers. Aujourd’hui remplacés par la ceinture de boulevards, il en reste plusieurs parties, notamment au parc de Blossac.
A voir aussi
Le baptistère de Saint Jean, l’église Saint-Hilaire et en partie Sainte-Radegonde sont restés tel quels Aliénor a pu les voir. Tout comme le clocher de Saint-Porchaire ou les arcades du cloître de la cour de la faculté (autrefois cour de l’Hôtel-Dieu).
Guédelon, un château qui se construit comme au temps d’Aliénor
Si vous avez envie de découvrir « de l’intérieur », la construction d’un château dit Philippéen, c’est à dire construit à l’époque de Philippe Auguste, l’allié puis l’ennemi de Richard Coeur de Lion, on vous conseille l’excellent château de Guédelon.
Situé en Bourgogne, c’est un peu plus qu’un château, c’est un projet génial : depuis 30 ans des hommes construisent un château avec les mêmes moyens que l’époque d’Aliénor d’Aquitaine et de Philippe Auguste.
Une visite qu’on a adoré faire en famille et dont on vous parle en détail ici.
Bordeaux
La cathédrale Saint-André de Bordeaux
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C’est dans cette cathédrale que la jeune Aliénor (15 ans) épouse le 25 juillet 1137 le futur roi Louis VII. La nef de la cathédrale fut construite grâce aux dons de la jeune reine.
La citadelle de Blaye
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En 1173, Aliénor intrigue contre le roi d’Angleterre, son époux. Avec le soutien de Louis VII, elle veut mettre ses fils au pouvoir. Mais Henri II en fait une prisonnière. Elle commence par séjourner au château des Rudel visible sous forme de ruines à l’intérieur de la forteresse de Vauban. Elle sera contrainte ensuite de rejoindre les prisons anglaises.
> à découvrir : notre top 10 du Bordeaux insolite
Limoges
Depuis 1166 et son départ de l’Angleterre, Aliénor n’a qu’une obsession : mettre ses enfants au pouvoir. En tout cas tout faire pour les mettre dans les meilleures conditions. C’est ainsi que son fils préféré, Richard, le futur Richard Coeur de Lion va être confirmé duc d’Aquitaine en 1169 à Limoges.
Pourquoi ce choix de Limoges plutôt que Poitiers par exemple ? L’historienne Régine Pernoud avance une hypothèse intéressante. Aliénor cherchant à installer son fils, à obtenir un maximum d’adhésion autour de lui, a choisi la ville du Val-de-Loire la plus malmenée par son époux, Henri II. Limoges a en effet particulièrement souffert des vengeances ou coup de sang de Henri II, sur une ville qui avait tendance à ne pas toujours respecter ses directives.
La cathédrale Saint Etienne
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Il ne reste pas grand chose de la cathédrale qui a vu sacrer en grandes pompes l’héritier du duché d’Aquitaine. Seul le clocher-porche et la crypte sont de cette époque. La cathédrale qu’on peut visiter aujourd’hui a été achevée en 1327, en plein gothique.
L’abbaye Saint Augustin
Le futur roi d’Angleterre et sa mère inaugure à l’occasion de ce sacrement un nouveau bâtiment pour l’abbaye Saint Augustin.
Malheureusement il ne reste plus rien de cette abbaye.
La Révolution l’a confisqué puis après diverses utilisations (prison, caserne) fut détruite en 1940.
La route Richard Coeur de Lion
La Route Richard Cœur de Lion est un itinéraire de découverte dans le sud-ouest de la Haute-Vienne depuis la Charente jusqu’aux portes de la Dordogne et de la Corrèze. A l’Est de la Nouvelle-Aquitaine, la route Richard Cœur de Lion regroupe, sur près de 200 km, 23 sites ouverts ou accessibles au public. Son parcours est indiqué par une signalisation routière à entête de la Route : un lion couronné au cœur percé d’une flèche, rappelant le destin tragique de Richard Cœur de Lion. Voici la carte qu’ils ont créé et voici leur site internet :
Paris, palais de la conciergerie
C’est au palais de la Cité (actuelle conciergerie) qu’Aliénor s’installe avec son premier mari, le roi de France Louis VII. Pour cette fille du sud, habituée aux troubadours et au soleil, l’acclimatation n’est pas simple dans cet obscur palais au milieu de la Seine.
Du coup elle décide de donner un coup de chaud dans la déco : elle fait ajouter cheminées et tentures, des nappes aux tables, des jonchées de fleurs fraîches aux sols.
Elle donne aussi un coup de chaud à la mode et fait ouvrir les décolletés et montrer les gambettes. C’est un vrai choc nord/sud, l’opposition de style est forte avec Louis VII qu’elle surnommera le moine.
Aliénor au Puy du Fou !
Le parc du Puy du Fou lui a consacré un spectacle : le Bal des Oiseaux Fantômes. Nous avons eu la chance d’y assister, nous avons pu en faire une petite vidéo pour vous donner un aperçu. Nous l’avons classé numéro 2 parmi dans notre top 7 des spectacles du Puy du Fou !
Chinon, la forteresse royale des Plantagenêt (Indre et Loire)
Henri II fait de Chinon sa capitale continentale. C’est là qu’il fixe une partie du trésor des Plantagenêt et qu’il y enferme ses principaux opposants.
Dès 1160 Henri II et Aliénor y séjournent régulièrement. Il est bien possible qu’Aliénor ait apprécié ses séjours à Chinon : le climat qui a du lui rappeler son Aquitaine natale, ensuite les grandes fêtes qu’elle organisait lorsque son mari était en Angleterre. Les troubadours y avaient notamment une place de choix.
Mais en 1173, c’est en tant que prisonnière qu’Aliénor y séjournera après avoir monté ses fils contre leur père. Elle ne restera pas longtemps dans les geôles de la forteresse et sera transférée à Salisbury en Angleterre.
La forteresse de Chinon est une très belle visite à faire. J’ai eu la chance de marcher sur les pas d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine dans cette forteresse qui domine la Vienne.
Le site est majestueux et propose de nombreuses visites thématiques notamment une salle d’armes où vous pourrez vous équiper avec vos enfants pour un tournoi de chevaliers digne de Guillaume le Maréchal. On a d’ailleurs classé la forteresse de Chinon parmi les châteaux les plus insolites.
En 1964, on découvre une fresque dans la chapelle Sainte Radegonde à Chinon. Elle montre une « Chasse royale », représentant cinq cavaliers. Le premier et le troisième sont couronnés, tandis que le quatrième porte sur son poing ganté un oiseau de proie, sans doute un faucon.
De nombreux auteurs se sont penchés sur l’identification des personnages de la fresque, supposant que les cavaliers sont des représentations de la famille Plantagenêt : les personnages couronnés pourraient alors être Henri II Plantagenêt et Aliénor d’Aquitaine, ou leur fils aîné Henri le Jeune, couronné du vivant de son père en 1170.
On parle aussi des Plantegenêt dans notre article sur Loches.
Deux mariages et un divorce : les lieux à visiter
Nuit de noces avec Louis VII au château de Taillebourg (Charente maritime)
Aliénor et Louis VII passe leur nuit de noces au château de Taillebourg.
Mais ils n’arrivent pas seuls : avec eux c’est une escorte de 500 chevaliers qui s’installe dans le fief de Geoffroy III de Rancon.
Le guerres de religion, la Fronde, la Révolution ne nous ont laissé que la tour médiévale qui date de cette fameuse nuit de noces.
L’ensemble garde un cachet certain et vaut une petite visite si vous êtes dans le coin.
Divorce avec Louis VII à l’abbaye Notre-Dame de Beaugency (Loiret)
Au retour de la 2ème croisade, l’incompatibilité avec Louis VII est criante : son infidélité supposée, le fait qu’elle ne donne que des filles au roi, l’opposition nord -sud… et un lien de parenté bien opportun scelle le destin de ce mariage.
En mars 1152 on officialise la séparation au concile de Beaugeancy.
Les guerres de religion ne nous ont laissé sur l’église que le chevet et le transept non saillant de la période romane, celle d’Aliénor. Les bâtiments conventuels de l’abbaye Notre-Dame eux n’ont malheureusement pas résisté au temps et sont du XVIIème siècle.
Mariage avec Henri II à la cathédrale de Lisieux (Normandie)
C’est dans la superbe cathédrale Saint Pierre que le mariage de la duchesse d’Aquitaine et du duc de Normandie, futur reine et roi d’Angleterre est célébré le 18 mai 1152, seulement 2 mois après l’annulation du mariage avec Louis VII.
La cathédrale, de style roman et gothique, est le plus vieux bâtiment gothique de Normandie encore sur pied. Un incontournable de Lisieux avec sa basilique.
L’île d’Oléron
Aliénor devait avoir une vraie affection pour cette petite île d’Oléron. Il est tout à fait possible qu’elle y est passée quelques vacances dans le château de ses ancêtres.
A son retour de la 2ème croisade, Aliénor, outre son divorce, a une idée en tête : importer les lois maritimes rhodiennes.
Elle lance donc les rôles d’Oléron : un ensemble de règles pour la navigation maritime.
Par exemple elle interdit la pratique de pillage d’épaves : quand un bateau fait naufrage, les gens ont le droit de tout piller et d’achever les matelots au lieu de les sauver, c’est le « droit d’aubaine » ou « droit d’épaves ».
Elle régit aussi les relations entre marins, seigneurs et religieux, organise aussi le commerce maritime.
Mais Aliénor ne s’arrête pas là. L’épouse de Louis VII abolit toutes les mauvaises pratiques de l’île en 1145 : duels judiciaires, jugements expéditifs, etc. En 1189, alors veuve du roi d’Angleterre Henri II, elle donne aux habitants le droit de s’administrer eux-mêmes. C’est l’époque où elle parcours toute l’Aquitaine pour reconnaître cette force nouvelle dans le paysage politique européen : les villes. Des forces nouvelles, qui armées, pourraient résister aux ambitions du roi de France, Philippe Auguste.
Prochaine étape pour notre voyage d’Histoire avec Aliénor : l’Angleterre dont elle a été la reine pendant près de 50 ans !
Je suis très curieux d’avoir votre avis sur ce type d’article, de voyage sur les pas d’un personnage célèbre et historique. A écrire, c’est passionnant. J’espère que vous avez pris aussi plaisir à le lire.